Référendum sur Frontex : votation du 15 mai 2022
Edition: 03-2022 Date: 31.03.2022
Thème: Actualité
Pour une politique européenne de l’asile - Tribune d’invité de Daniel Jositsch, conseiller aux États, Zurich
Le référendum contre Frontex nous donne la possibilité, sur le plan national, de compléter l’actuelle politique inhumaine à l’aide de mesures d’accompagnement humanitaires.
C’est pourquoi il a été demandé au Parlement fédéral que le projet concernant Frontex inclue le développement du taux de « réinstallations ». Grâce à cet instrument, des personnes qui fuient leur pays peuvent obtenir l’asile en Suisse directement depuis la région en guerre. Mais comme la majorité du Parlement n’en a pas voulu, le groupe socialiste aux Chambres n’a plus pu accepter le projet Frontex, car celui-ci se trouvait alors dénué de toute composante humanitaire.
Grâce au référendum toutefois, cet objet pourra être rediscuté au Parlement et amélioré dans ce sens. Il n’y aura ensuite plus de raison de refuser Frontex.
Ce référendum, nous ne l’avons pas souhaité. Dans les faits, les opposant-e-s à ce projet auraient préféré que le Parlement accepte les mesures d’accompagnement humanitaires demandées. On aurait alors renoncé au référendum. Car c’est précisément l’enjeu ici. La question n’est pas de savoir si Frontex est nécessaire ou pas. Il va de soi que l’on a besoin d’une institution qui protège les frontières extérieures de l’Europe et respecte en même temps le droit à l’asile.
Mais Frontex met en œuvre la politique européenne de l’asile et le référendum ouvre la discussion sur cette dernière. La personne qui doit quitter aujourd’hui son pays malgré elle n’a aucune possibilité de demander l’asile en Europe à partir de son pays parce qu’il ne lui est plus possible de le faire auprès d’une ambassade.
Les réfugié-e-s sont bien au contraire contraints de se frayer un chemin à travers des itinéraires dangereux jusqu’aux frontières des pays européens, par exemple pour, avec l’aide de passeurs criminels, traverser la Méditerranée où en moyenne dix personnes meurent chaque jour. Arrivés dans le sud de l’Europe, les autorités locales, aidées par Frontex, les empêchent d’entrer dans le pays pour y déposer une demande d’asile. On parle ici de refoulements illégaux.
Cette politique défendue par les États européens a pour seul et unique but de ne pas permettre au plus grand nombre possible de réfugié-e-s d’accéder au continent européen. Le but est de protéger la forteresse Europe. Notons cependant qu’il ne s’agit pas là uniquement de réfugié-e-s illégaux, mais justement aussi de personnes qui ont, selon les lois du pays de destination, un droit légitime à l’asile, mais que l’on empêche de le faire valoir. Une telle politique est inhumaine et indigne d’un État de droit. À travers les accords de Schengen et Dublin et, de ce fait, à travers Frontex, la Suisse participe à cette politique de la migration erronée.
Tribune d’invité de Daniel Jositsch, conseiller aux États, canton de Zurich